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Le travail de traducteur est désormais victime de l’intelligence artificielle

Traducteur victime de l’intelligence artificielle ! De nombreuses maisons d’édition exigent désormais que les traducteurs travaillent à partir d’une version préalablement traitée par une intelligence artificielle. Ces experts, assimilés juridiquement à des auteurs, se retrouvent confrontés à des conditions financières et des statuts moins avantageux.

La révolution de l’intelligence artificielle (IA) a déjà commencé à faire des ravages dans le domaine de l’édition. Les traducteurs littéraires, souvent considérés comme le maillon le plus fragile et le plus exposé au raz de marée de l’IA, voient quotidiennement leurs conditions de travail se détériorer et leurs opportunités de travail diminué. L’utilisation généralisée de programmes de traduction automatique tels que DeepL est devenue monnaie courante, et le métier des traducteurs tend à se limiter à des contrats de post-édition (travaillant sur des textes déjà prétraduits par une machine).

D’après Jörn Cambreleng, directeur de l’association pour la promotion de la traduction littéraire Atlas, cette pratique demeure « honteuse » tant du côté des éditeurs, qui omettent systématiquement de signaler l’utilisation de l’IA sur la couverture des livres, que du côté des traducteurs, qui acceptent par défaut ce type de contrats moins rémunérés.

L’inquiétude grandit dans le monde de la traduction littéraire

Certains traducteurs se sentent de moins en moins rassurés. En effet, plusieurs maisons d’édition commencent déjà à explorer les possibilités offertes par l’IA pour créer, produire et traduire des contenus. Peggy Rolland, secrétaire de l’Association des traducteurs littéraires de France, exprime ses préoccupations : « Je pense que les éditeurs vont s’engager pleinement dans cette voie, mais il reste à voir si les consommateurs seront enclins à acheter des livres explicitement créés par une IA.

L’arrivée de l’IA survient dans un contexte où le métier est déjà fragilisé, avec des tarifs en baisse. Aujourd’hui, les éditeurs oscillent entre la crainte et le silence sur cette question. Malheureusement, je crains que les machines finissent par produire des résultats suffisamment convaincants pour que le traducteur n’intervienne que pour la post-édition. Et puisque nous sommes rémunérés en droits d’auteur, se pose la question de qui sera considéré comme l’auteur des traductions. Nous assistons à une forme d’uberisation accélérée, comme dans de nombreux autres domaines. »

Du fait que les outils d’intelligence artificielle dédiés à la traduction se fondent sur des statistiques, ils entraînent un appauvrissement de la langue. Peggy Rolland souligne : « Un algorithme ne peut pas prendre certains choix, ni traduire de l’humour. » Sur ChatGPT, on constate déjà une tendance à la standardisation de la langue, vers une uniformisation du style, ce qui risque de diminuer la richesse de nos cultures linguistiques. « À terme, cela pourrait effacer nos particularités culturelles, car le contenu littéraire pourrait être influencé par des attentes standardisées, tout comme un algorithme Netflix vous propose des contenus en fonction de votre profil. Il y a un risque que les éditeurs ne publient ou traduisent des livres uniquement en fonction de leur potentiel succès. »

Les interprètes sont également menacés

De plus, ces systèmes nécessitent toujours de passer par l’anglais. Cela signifie que pour traduire de l’espagnol vers l’allemand, il est nécessaire de passer d’abord de l’espagnol à l’anglais, puis de l’anglais à l’allemand. De plus, il faut prendre en compte la transition entre l’oral et l’écrit, puis de l’écrit à l’oral. Peggy Rolland souligne que « le temps nécessaire pour effectuer ces transitions et les risques de déformation sont trop importants ».

Un autre problème majeur se pose lors des conférences internationales où les interprètes sont sollicités, souvent empreintes de solennité ou revêtant des implications politiques et diplomatiques majeures. En effet, « les systèmes d’IA manquent de références émotionnelles propres à l’humain, alors que les discours peuvent avoir des implications émotionnelles considérables ». De la même manière que pour le sous-titrage, un interprète doit également adapter le discours, omettre les hésitations voire ne pas traduire certains éléments. Une subtilité que les algorithmes ne parviennent pas encore à reproduire aujourd’hui.

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